On peut lire sur mon blog la chose suivante :
« La toxine (Bt-toxin) produite par le maïs génétiquement modifié, censé s’éliminer dans le tube digestif humain, a été retrouvé dans le sang de 93% des 30 femmes enceintes étudié, dans 80% de leur enfant et dans 67% des 39 femmes non enceintes. Bt-toxin est un insecticide toxique qu’on retrouve aussi dans la viande d’animaux. (Étude de l’université de Sherbrooke 2011) ».
Si, si, je vous jure ! D’ailleurs c’est ici ! (Commentaire n°8)
J’avais déjà entendu vaguement cette sornette et ne m’y étais guère intéressé. Elle circulait sur Internet via des sites ou des forums écolos et, si elle s’était avérée vraie, elle aurait aussi fondamentalement remis en cause les lois de la biologie que les neutrinos superluminiques la physique d’Einstein !
Mais, du moment que cette information figurait sur mon blog, j’ai cherché les bases solidement établies de sa réfutation.
Ce qu’il faut savoir avant de discuter de l’étude de l’Université de Sherbrooke au Canada.
Le gène dit Bt (du nom de la bactérie Bacillus thuringiensis) inséré artificiellement dans le génome du maïs, code une protéine insecticide pour certains papillons, dont la pyrale du maïs. Le maïs OGM Bt secrète donc cette protéine, mortelle pour son ravageur. Les biochimistes, dans leur jargon professionnel, ont donné à cette protéine le nom de Cry1Ab.
C’est cette protéine Cry1Ab que l’on retrouverait dans le sang des femmes enceintes ou non, et des fœtus portés par les premières, du moins de celles qui ont fait l’objet de l’étude de l’équipe de l’Université de Sherbrooke.
À propos de l’étude elle-même, j’ai trouvé un article rédigé par Alain de Weck, ‒ Professeur émérite d’immunologie ; Institut d’immunologie (Université de Berne, Suisse) et Département d’Allergologie (Université de Navarre, Espagne) – qui émet de vives critiques sur ses résultats.
J’en ai rédigé le résumé qui suit de façon à ce qu’il soit, je l’espère, facilement compréhensible par la très grande majorité de mes lecteurs. Ceux d’entre eux qui ont une formation en biologie pourront se référer à l’article original pour dire si je l’ai trahi.
Les auteurs de l’étude canadienne présument que cette protéine apparaît dans le sang suite à l’ingestion alimentaire de maïs OGM, qui en est la principale source au Canada.
La très grande majorité des protéines ne franchissent pas telles quelles la barrière intestinale. Elle ne sont absorbées dans le sang qu'après avoir été dégradées en leurs constituants de base, les acides aminés, ou en des groupements d’un ou deux acides aminés. Il n’y a que de très rares exceptions et ces exceptions ont été très bien étudiées ces dernières années, car elles forment la majorité de ce qu’on appelle les allergènes alimentaires.
La capacité d’absorption sous leur forme entière est restreinte aux rares protéines qui ne sont pas susceptibles d’être digérées lors de leur passage dans l’estomac ou l’intestin. En fait, les tests de digestibilité sont devenus un critère permettant d’évaluer la capacité d’une protéine d’être absorbée sous forme intacte et le risque allergénique en découlant.
Du fait des études qui visent à identifier les allergènes alimentaires, il existe de nombreux travaux qui démontrent que la protéine OGM CryAb1, lorsqu’elle est ingérée par voie orale, n’est pas absorbée dans le sang, même en quantités infimes.
Le test biochimique utilisé pour la détection de protéine Cry1Ab dans l’étude canadienne en question ici, n’est pas adapté à sa détection dans le sérum sanguin. Il est d’ailleurs anormal que les concentrations trouvées soient inférieures à la limite de détection du test donnée par le fabricant.
Il est donc extrêmement probable que les résultats rapportés dans l’étude résultent d’un artefact (erreur liée aux conditions de l'observation). D'ailleurs le sous-titre de l'article d'Alain de Weck est très sévère : Un travail bâclé et un scénario catastrophe probablement inexistant.
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Ainsi courent les rumeurs sur Internet, car si vous faites des recherches sur Google vous trouverez reproduit à l’infini la dépêche d’agence (ou le communiqué de l’Université de Sherbrooke ? Les internautes sourcent rarement leurs prétendues informations) qui a rendu compte de l’étude, tandis que vous trouverez assez peu de références à l’article du professeur Alain de Weck.
Les militants s’emparent de la première sottise venue et ils sont malheureusement beaucoup plus nombreux à s’exprimer que les personnes raisonnables.
En outre, comme nous l’a enseigné le grand esprit qu'est Joseph Schumpeter : « Tout appel à la réflexion nous irrite et nous avons horreur des arguments non familiers qui ne cadrent pas avec ce que nous croyons ou avec ce que nous voudrions croire. »
Les autres boniments anti-OGM sur le blog :
Chronique des boniments anti-OGM - L'affaire Percy Schmeiser
Chronique des boniments anti-OGM ‒ OGM, brevets, multinationales et agriculteurs
Centre hospitalier universitaire de l'université de Sherbrooke
(Photo de Michel Gagnon)