Récemment, dans une réunion internationale de militants, le président de la Bolivie Evo Morales a déclaré : Le poulet que nous mangeons est chargé d'hormones féminines. C'est pour cela que lorsque les hommes mangent de ce poulet, ils ont des déviations dans leur identité en tant qu'homme.
Cette déclaration a soulevé un tollé de certains bien-pensants postmodernes qui l'ont taxée d'homophobie.
Il y a quelques jours, avec un ami, la polémique à propos de cette déclaration est venue dans la conversation.
Comme je disais que ce qui était le plus étonnant était que personne n’ait relevé que le poulet aux hormones n’était qu’un mythe, mon ami s’est montré fort étonné de mon affirmation : « Mais comment fait-on pour obtenir aujourd’hui des poulets en six semaines sans les pousser aux hormones ? »
Eh bien, oui ! Sans hormones, on fait des poulets abattus à six semaines et même à 40 jours, voire 39. Ces dernières décennies, c’est principalement la sélection de souches performantes qui a permis ce résultat.
Sélection de souches de poulets pour leur appétit, l'instinct qui les pousse à picorer, leur bon coefficient de transformation alimentaire, ainsi qu’amélioration des techniques d’alimentation et progrès en santé animale ont permis de réduire chaque année d’environ un jour la durée d’élevage des poulets standards.
Les hormones dans l’élevage des volailles sont interdites depuis belle lurette en France et, plus généralement, dans l’Union européenne.
Le mythe du poulet aux hormones doit beaucoup à la chanson de Jean Ferrat qu’on fredonne encore de nos jours, plus de quarante ans après sa sortie.
Mon ami n’en croyait pas ses oreilles. « Tu devrais raconter ça sur ton blog, car beaucoup de gens l'ignorent ! ».
Moi non plus je n’en croyais pas mes oreilles. Je pensais bien qu’il y avait encore quelques personnes un peu paumées qui croyaient que les poulets basiques étaient produits à coup d’hormones mais que, pour la plupart des gens, l’expression « poulet aux hormones » n’était qu’une figure de rhétorique, une métaphore pour dire « malbouffe ».
Dans mes recherches sur Internet j’ai trouvé qu’Edgar Morin, ancien grand esprit tombé avec l’âge dans l’écolo-gâtisme, déclarait, il n’y a pas plus loin que le 11 octobre 2007, devant une commission de l’Assemblée nationale :
"Mieux vaut un poulet fermier qu’un poulet aux hormones, un fromage fermier qu’un fromage industriel, etc."
Et puis, d’autres amis m’ont confirmé que dans leur entourage il y avait beaucoup de gens qui croyaient que les poulets standard sont produits grâce aux hormones.
Avant cette petite enquête, j’hésitais beaucoup à faire un article pour dire cette évidence : les poulets que vous consommez, même basiques, n’ont pas été engraissés à coup d’hormones !
Et bien voilà, je m’y suis résolu :
NON, EN AUCUN CAS, VOUS NE MANGEZ DE POULETS AUX HORMONES !
Et maintenant, un petit complément historique dont je ne suis pas certain, car je le tiens d’une tradition orale que je n’ai pu vérifier.
Le poulet aux hormones de la chanson de Jean Ferrat ne serait pas le fruit de sa pure imagination. Une affaire ayant défrayé la chronique quelques temps avant sa création, en 1964, aurait inspiré le chanteur.
Un volailler du marché Mouffetard à Paris aurait connu quelques problèmes de féminisation de sa morphologie pour avoir consommé des poulets hormonés. Il s’agissait de poulets issus d’expérimentations que l’institution qui conduisait cette recherche aurait commercialisés par son intermédiaire. Ce volailler était gros consommateur de volailles et se nourrissait en grande quantité de ces poulets à la tendreté très développée !
Une affaire qui remonte à la fin des années cinquante ou au début des années soixante, et qui traîne encore dans les discours d’Evo Morales et d’Edgar Morin ! Merci Jean Ferrat !
Je ne sais si les hormones pour l’élevage des poulets de chair furent seulement officiellement autorisées en France. En tout cas elles sont explicitement interdites depuis presque une cinquantaine d’années. (Au Canada il semble qu’elles furent utilisées de 1958 à 1962, abandonnées bien avant leur interdiction).
Je ne connais pas le statut officiel des hormones dans l’élevage des poulets de chair en Bolivie. Mais il me semble peu probable qu’elles soient effectivement utilisées, car le coût de leur utilisation (implant ou injection individuelle) ne compense sans doute pas le gain obtenu par leur utilisation. Je dis sans doute, parce que si cela est évident dans les pays développés, je ne sais pas vraiment ce qu’il en est dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est faible.
Toute information complémentaire ‒ confirmation, infirmation, précisions ‒ que des lecteurs pourraient apporter sur ces derniers points, historiques et réglementaires, serait vraiment intéressante. Merci d’avance.
Bibliographie
Point de vue d’un diététicien sur la viande de poulet
Volaille, la fin des idées reçues
Tout sur la volaille, foire aux questions (groupe Doux)