Récemment, Greenpeace a mené une intense campagne censée sauver le thon rouge de l'Atlantique, espèce prétendument en voie de disparition.
La principauté de Monaco, relayée par l'Union Européenne, a proposé d’inscrire le thon rouge de l'Atlantique dans la liste des espèces dont la commercialisation est interdite.
Cette position a été rejetée le jeudi 18 mars 2010, à Doha, par les parties prenantes à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites) parrainée par l'Onu.
Que n'a-t-on pas entendu, à propos de ce rejet, sur le lobbying du Japon, premier pays consommateur de thon rouge au monde ! ''En pleine année internationale de la biodiversité, qu'une espèce aussi emblématique que le thon rouge soit sacrifiée au profit d'intérêts économiques de court terme est une véritable honte'', a déploré le WWF France.
Au détour d'un article du Monde ou même, in extremis, d'une page de Greenpeace, annonçant ainsi discrètement la prochaine cible de son activisme, on apprend l’existence d’une organisation internationale dont on n'a sans doute jamais entendu parler au JT de 20 heures.
Il s'agit de la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique (Iccat). L'Iccat est responsable de la conservation des thonidés et des espèces apparentées (dont l’espadon) dans l’océan Atlantique et ses mers adjacentes.
Actuellement, quarante-huit États et l'Union européenne adhèrent à la convention ayant institué l’Iccat. Ce sont des États intéressés par la pêche de ces espèces, que ce soit à titre de pêcheurs ou de consommateurs. Ils sont donc intéressés par le fait de ne pas les voir disparaitre, mais aussi de ne pas en restreindre au-delà du nécessaire la pêche et la consommation.
Bien entendu les conflits d'intérêts entre ces États existent et, s'ils peuvent ralentir la prise de certaines décisions, ils sont aussi la garantie qu'elles ne résulteront pas de pures positions idéologiques militantes. Toutes les mesures de conservation et de gestion adoptées par l’Iccat proviennent des recommandations formulées par son Comité permanent pour la recherche et les statistiques, lequel rassemble plus d’une centaine des meilleurs halieutes du monde.
Qu'a défendu officiellement l'Iccat, à propos des thons de l'Atlantique, devant les instances de la Cites à Doha ?
Par une déclaration de son président à la Cites, l’Iccat a fait valoir qu’elle a adopté un programme destiné à rétablir le stock de thons rouges d’ici à 2023.
Ce programme prévoit plusieurs mesures, telles que la taille minimum de capture et la réduction de la saison de pêche.
Or, lors de l’année initiale de mise en œuvre, la prise totale autorisée fut dépassée en raison du dépassement des quotas par certains adhérents à la convention qui furent par la suite sanctionnées. Un plan de remboursement fut adopté en 2007 pour faire face à ces dépassements. Au cours de cette même année, un dispositif de surveillance des captures fut adopté.
Une nouvelle révision intervenue en 2008 a considérablement renforcé le programme par le biais de mesures de contrôle plus strictes et la réduction de 20% de la prise totale.
Malgré cela, la prise totale adoptée cette année-là n’était pas conforme à l’avis du comité scientifique, situation qui a été revue l’année suivante. Au mois de novembre 2009, l’Iccat a décidé de réduire la prise totale autorisée à 13 500 tonnes pour la saison de pêche, conformément aux recommandations de son comité scientifique.
La surveillance des captures de thon rouge a fonctionné efficacement en 2009 : des importations de plus de 2 300 tonnes de thon rouge ont été refusées par les douanes et plus de 800 tonnes de thon rouge mis en cage ontt été remises en mer, au motif que les documents de capture n'avaient pas été émis dans le strict respect des exigences du programme.
Dans un courrier de l’Iccat au WWF démentant les assertions « incorrectes » (qu’en termes diplomatiques ces choses là sont dites !) relevées dans un document émis par cette organisation, on apprend que les douanes ayant refusé les 2300 tonnes sont les douanes japonaises.
Par où l'on voit que les Japonais ne sont pas plus idiots que n'importe qui et qu'ils savent que leur intérêt bien compris de consommateurs n'est pas d'épuiser la ressource. Mais, dans les media, nous n'aurons entendu parler que du lobbying intense du Japon !
A l’issue de la rencontre de Doha, Greenpaece a déclaré : "Cette conférence était une chance historique de sauver l’espèce, menacée d’extinction. Aucune mesure de protection n’a été prise pour la sauvegarde de l’espèce."
Cette déclaration ne fait pas que s’apparenter à de la mauvaise foi. C’est un mensonge.
La Cites n’a pas interdit la commercialisation du thon rouge de l’Atlantique, mais elle a entendu les mesures appliquées par l’Iccat et a pu, à juste titre, estimer qu’elles étaient suffisantes pour juguler une surpêche observée dans le passé, et que rien ne justifie donc l’interdiction de la commercialisation d’une espèce qu’aucun scientifique ne considère comme menacée d’extinction.
Quant on prétend vivre du militantisme, pour vivre, il faut faire feu de tous bois, y compris de l’exagération et du mensonge.
Pour paraphraser le regretté Bourvil : « Le professionnalisme, oui ! Le militantisme, non ! »
Bibliographie
Un article passionnant de l'Ifremer sur le thon rouge de l'Atlantique