Une excellente synthèse des connaissances actuelles sur le phénomène des marées vertes en Bretagne est disponible sur le site de l’Institut scientifique et technique de l’environnement.
Le présent article en est un résumé.
La prolifération des algues vertes (ulves) est un phénomène répandu dans de nombreuses régions du monde : Chine, Cuba, Espagne, fjords de Norvège, Pays-Bas, Danemark, lagunes de Venise et de Tunis, Sénégal…
En France, au-delà de certaines côtes bretonnes, elles sont observées dans le Cotentin, en baie de Somme, en Charente-Maritime, en Martinique ou dans les étangs et lagunes du Languedoc - Roussillon.
C’est un phénomène ancien puisque des échouages d’ulves sur les côtes de la Manche sont rapportés depuis le début du XXème siècle. Dès les premières photographies aériennes de l'IGN en 1952, les rideaux d’ulves sont visibles sur les baies aujourd'hui les plus concernées.
Aucune corrélation ne peut donc être établie entre le phénomène et le développement des activités agricoles.
En France, le cas de la baie de Lannion, une des portions du littoral les plus touchées, est révélateur.
Sur les bassins versants concernés on rencontre des systèmes de polyculture-élevage relativement peu intensifs ; on n’y compte pratiquement pas d’élevage hors-sol, et de nombreuses surfaces sont occupées par des prairies permanentes.
Les ulves ne sont pas toxiques. Elles sont même comestibles par l’homme et par les animaux. Dans la nature, elles sont consommées par de nombreux animaux tels que les bigorneaux, les ormeaux, les oursins…
Elles pourraient rentrer aisément dans la fabrication d’aliments du bétail. L’utilisation des ulves collectées, en tant que fertilisant épandu dans des parcelles agricoles, ne pose pas de difficulté particulière.
C’est leur décomposition par putréfaction qui peut produire de l’hydrogène sulfuré (H2S), gaz toxique au-delà de certaines concentrations, difficilement atteintes en plein air.
Très tôt, des tentatives de rapprochements entre les flux d’azote apportés par les rivières et les fleuves bretons et le développement des ulves ont été menées. En réalité, la prolifération d’ulves se manifeste dans les baies propices, quels que soient les flux d’azote déversés par les cours d’eau. De plus, les quantités d’ulves ne sont nullement corrélées aux flux d’azote rejetés.
L’hypothèse de l’influence des apports d’azote au mois de juin n’est pas non plus confirmée par les observations.
Les marées vertes sont observées sur des baies présentant les deux caractéristiques suivantes :
- présence d’une plage de sable à faible pente, favorisant l’effet de lagunage,
- piégeage de l’eau en fond de baie, sans forte dispersion des masses d’eau vers le large.
Ce sont les conditions géomorphologiques et hydrodynamiques des baies qui déterminent le développement et l’échouage des ulves.
Les quantités d’azote reçues par les seuls cours d’eau, bien que variables, sont beaucoup plus élevées que les besoins en azote des ulves ; ceci est également vrai, mais dans une moindre mesure, pour le phosphore.
Dans ces conditions, aucune limitation de la croissance des ulves par réduction des apports d’azote par les cours d’eau, n’est à attendre.
L’azote du milieu marin ne provient pas uniquement des cours d’eau et les apports des cours d’eau ne représentent qu’une partie de l’azote disponible dans le milieu marin. Aussi, compte tenu des masses en jeu et des besoins des ulves, aucune carence en azote capable de réduire la croissance des algues ne pourra jamais être observée.
Le cycle de l’azote dans le milieu marin côtier, la part relative de ses diverses origines ainsi que les mécanismes compensateurs (notamment en ce qui concerne la fixation de l’azote atmosphérique par le phytoplancton) n’ont pas fait l’objet d’études permettant de les modéliser. Il est surprenant que seul l’azote apporté par les cours d’eau fasse l’objet des recommandations actuelles.
D’autres facteurs peuvent expliquer le phénomène parmi lesquels on peut citer la diminution des consommateurs d’ulves dans la chaîne alimentaire, le développement de la mytiliculture dans la baie de Saint-Brieuc, l’accumulation de phosphore dans les sédiments côtiers…
Mytiliculture et algues vertes en baie de Saint-Brieuc
Ces facteurs n’ont pas encore été étudiés et les connaissances acquises à ce jour ne sont pas suffisamment précises pour réaliser une modélisation représentant fidèlement le phénomène.
La modélisation qui a été développée prend pour hypothèse le rôle déterminant des apports d’azote des cours d’eau. Les observations et les mesures effectuées ont montré que cette hypothèse n’est pas vérifiée.
Les actions sur les nitrates dans les bassins versants n’auront pas d’effet sur la prolifération des ulves.
Actuellement les moyens d’action efficaces pour prévenir le phénomène ne sont pas connus.
Les recherches doivent porter sur d’autres facteurs explicatifs que l’azote. L’étude du devenir et du rôle du phosphore doit être approfondie. Des travaux sur la récolte précoce et la valorisation des ulves ou leur dispersion vers le large, doivent également être poursuivis.
N.B. On trouvera des données quantitatives, des photos aériennes et des cartes dans le document de l'Institut scientifique et technique de l'environnement.
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