En novembre dernier, l’Institut national du cancer a publié une étude intitulée Dynamique d’évolution des taux de mortalité des principaux cancers en France.
Cette étude analyse l’évolution des taux de mortalité par cancer de 1983 à 2007 et, pour la période allant de 1995 à 2005, la met en regard de l’évolution du taux d’incidence de cette maladie.
L’incidence est le nombre de cas nouveaux de cancers enregistrés une année donnée. La mortalité est le nombre de morts par cancer une année donnée. Les taux sont ces deux nombres rapportés à la population.
Le cancer est une maladie dont l’incidence et la mortalité augmentent avec l’âge.
Si l’on veut faire des comparaisons dans le temps, ou entre des pays dont les pyramides des âges sont différentes, il faut opérer une standardisation.
On prend les taux de mortalité et d’incidence constatés dans chaque tranche d’âge de la population et on les applique aux effectifs des classes d’âge d’une population dont la pyramide des âges est choisie arbitrairement.
Dans l’étude dont il est question ici, la pyramide des âges retenue est celle de la population mondiale, de façon à pouvoir effectuer des comparaisons internationales (qui ne sont pas abordées dans l’étude mais qui pourraient faire l’objet de développements ultérieurs).
Quelles sont les principales conclusions de cette étude ?
Tout d’abord, une excellente nouvelle
La baisse de la mortalité par cancer s'accélère en France.
Taux de mortalité par cancer (moyennes quinquennales) | |||
| De 1983-87 à 1993 -97 | De 1993-97 à 2003-07 | Au total sur les deux périodes |
Hommes | -7 % | -16 % | -22 % |
Femmes | -6 % | -8 % | -14 % |
Pour ce qui concerne les cancers les plus fréquents
Chez l'homme, les diminutions les plus importantes concernent les cancers liés au tabac et à l’alcool.
Chez la femme, la mortalité par cancer du poumon a progressé fortement .
Ces évolutions sont liées à l’évolution des comportements.
Pour le cancer de la prostate et pour le cancer colorectal, les baisses se sont particulièrement accélérées lors de la dernière décennie.
La diminution de la mortalité par cancer du sein s’est amorcée dans la dernière décennie.
Évolution des taux de mortalité et des taux d’incidence.
La mise en regard de l’évolution de l’incidence et de la mortalité est nécessaire pour comprendre la maladie.
La mortalité résulte de l’incidence (occurrence des nouveaux cas) et de la létalité (taux de décès chez les malades).
L’incidence est liée aux facteurs de risque.
La létalité reflète à la fois la gravité du pronostic et les résultats de sa prise en charge.
Plus le dépistage et le diagnostic sont précoces plus le pronostic est favorable.
Alors que la mortalité a diminué au cours de la décennie 1995-2005 - la seule pour laquelle on dispose des données permettant de mettre en regard mortalité et incidence - l’incidence tous cancers confondus a augmenté chez l’homme comme chez la femme au cours de cette décennie .
Selon les cancers on distingue cinq profils d’évolution :
Profil 1 : l’incidence et la mortalité ont diminué conjointement
La baisse de l’incidence des cancers des voies aérodigestives supérieures, de l’œsophage et du poumon chez l’homme peut être reliée à la baisse de la consommation alcoolo-tabagique.
Chez la femme, la baisse de l’incidence du cancer du col de l’utérus serait liée au dépistage et à la détection précoce des lésions précancéreuses.
Profil 2 : l’incidence a diminué et la mortalité s’est stabilisée
C’est le cas de la maladie de Hodgkin chez l’homme pour lequel le taux de mortalité, très bas et en constante diminution, s’est stabilisé au cours des dix dernières années.
Profil 3 : l’incidence s’est stabilisée et la mortalité a diminué
Les localisations concernées sont le cancer colorectal chez l’homme et le cancer de l’utérus chez la femme
La baisse de la mortalité par cancer colorectal, alors que l’incidence reste stable ou diminue faiblement, serait liée à un diagnostic plus précoce associé à une amélioration de la prise en charge.
Profil 4 : l’incidence a augmenté et la mortalité s’est stabilisée ou a diminué
Les progrès dans le diagnostic précoce et/ou la prise en charge thérapeutique sont les facteurs explicatifs les plus souvent rencontrés dans cette situation. C’est le cas notamment du cancer de la prostate et du cancer du sein.
Ce profil concerne aussi :
- chez l’homme, le cancer du rein, le lymphome malin non hodgkinien, les cancers du système nerveux central, de la thyroïde, des testicules
- chez la femme, le cancer de la thyroïde, le lymphome malin non hodgkinien, les cancers des lèvres-bouche-pharynx, du larynx, de l’œsophage et le cancer du système nerveux central, le mélanome cutané, le myélome multiple, la maladie de Hodgkin
Profil 5 : l’incidence et la mortalité ont augmenté.
C’est le cas du cancer du poumon chez la femme et du mélanome cutané chez l’homme.
Ce profil concerne également le myélome multiple chez l’homme.
La hausse de l’incidence du cancer du poumon chez la femme reflète l’impact de la hausse du tabagisme féminin.
Chez l’homme, la hausse de l’incidence du mélanome cutané est probablement liée à l’impact – différé ‒ d’expositions excessives aux rayonnements UV.
Conclusions
Une partie de la baisse de la mortalité par cancer s’explique par la baisse importante de l’incidence de certains cancers au pronostic particulièrement lourd, comme le cancer de l’œsophage, le cancer de l’estomac, les cancers des voies aérodigestives supérieures chez l’homme, grâce aux changements de comportements alcoolo-tabagiques et alimentaires.
Dans le même temps, des cancers comme le cancer du sein ou le cancer de la prostate sont dépistés plus tôt. Leur nombre augmente donc, mais, traités plus tôt, la mortalité diminue.
Personnellement, en analysant attentivement les tableaux du rapport, j’observe que pour tous les cancers dont la mortalité est élevée (> 6 pour 100 000) et qui ont vu leur incidence augmenter, l’augmentation est liée soit à l’évolution des comportements soit à la précocité plus grande des diagnostics.
Tous les cancers dont l’incidence a augmenté et dont on ne peut attribuer cette évolution aux comportements ou à la précocité des diagnostics ont des taux de mortalités faibles (< 6 pour 100 000) ou très faible (< 1 pour 100 000).
Pour le profane en médecine que je suis, mais néanmoins habitué à lire les tableaux de chiffres et les graphiques, il n’y a ni épidémie ni explosion des cancers, contrairement à ce dont on essaye de nous persuader par des répétitions incessantes.
Mesdames et Messieurs les écologistes, répéter mille fois une erreur ou un mensonge n’en fait pas pour autant une vérité.
Le tricheur à l'as de carreau
Pour en savoir plus
Brève présentation de son étude par l'Institut national du cancer lui-même, avec lien vers l'étude : La baisse de la mortalité par cancer s'accélère en France
Le tableau récapitulatif des profils :
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